#e-sante - le 17/02/2022
Cabine de téléconsultation

A mi-chemin entre le module spatial et le photomaton, la cabine de télémédecine clinique H4D espère mettre fin à la désertification médicale, mais aussi faciliter la prise en charge des urbains.
Presque inconnue du grand public avant la pandémie, la téléconsultation a explosé depuis quelques années, passant de 0,04% des consultations en 2019, à près de 4,5% en 2021 (chiffres Odoxa pour ANS). Propulsée par la plateforme Doctolib, puis par quelques outsiders comme Qare ou Maiia, la pratique séduit de plus en plus, et pour cause : non seulement il est bien plus simple et rapide de prendre rendez-vous, mais en plus il est possible de consulter tout en restant chez soi. Un double avantage particulièrement séduisant en période de covid-19. Lors du premier confinement en avril 2020, le nombre de téléconsultations a ainsi dépassé les 4,5 millions de rendez-vous en un mois.
Si on peut difficilement nier le côté pratique de la téléconsultation, le constat reste cependant plus mitigé concernant la qualité du diagnostic. Privé de ses outils, et de la plupart de ses sens habituels, le médecin ne peut finalement compter que sur la caméra (pas toujours efficace) du smartphone et les ressentis de son patient. Une situation qui ne lui permet pas d’exercer dans de bonnes conditions, déplore le docteur Franck Baudino, fondateur de la start-up H4D : “Avec un téléphone, je ne peux écouter ni votre cœur ni vos poumons, je mets au défi n’importe quel médecin de soigner ne serait-ce qu’une toux chez l’adulte de cette manière”.
La médecine du futur existe déjà aujourd’hui
C’est là qu’entre en scène la Consult Station d’H4D. Moins connue que Doctolib, la start-up a pourtant elle aussi révolutionné le monde de la télémédecine. En 2006, son fondateur le Dr Franck Baudino dépose le premier brevet d’un projet aux ambitions démesurées : un cabinet médical connecté, capable d’opérer sans aucun médecin présent physiquement à son bord. Après sept ans de recherche et développement, 28 brevets et cinq ans de certifications auprès de la réglementation européenne et de la FDA (Food and Drugs Administration) américaine, la cabine obtient finalement son statut de dispositif médical de catégorie 2, un passage obligatoire pour exercer sur le vieux continent.
Avec ses quinze capteurs et instruments de mesure, son impressionnant arsenal technique et la suite logicielle qui l’accompagne, la cabine H4D est ainsi capable de diagnostiquer et de traiter 98% des patients à l’issue d’une consultation. Un chiffre bien plus élevé que lors d’une téléconsultation classique, qui ne permet de diagnostiquer que 5% des consultations. “C’est pour cette raison qu’on fait désormais la différence entre télémédecine, et télémédecine clinique, afin que les gens comprennent bien la différence”, explique Franck Baudino.
Décentraliser le médecin, mais pas la médecine
Une fois installé sur le siège incliné de la cabine, il faut bien admettre que le petit espace se veut impressionnant. Face à nous, une caméra et un écran permettent au médecin de suivre la téléconsultation à distance. Un peu plus bas, on retrouve un emplacement destiné à accueillir la carte vitale, et à délivrer une ordonnance papier. À notre droite, un écran tactile permet de configurer l’appareil, puis de répondre à une série de questions préliminaires. De part et d’autre, 15 capteurs et instruments sont destinés à la prise de mesures.
La consultation débute finalement comme n’importe quel rendez-vous physique chez le médecin : après un échange rapide sur nos habitudes de santé et la création d’un dossier patient, place à l’auscultation. Pour le stéthoscope comme pour le reste des instruments, c’est à nous de placer correctement le dispositif, sous les indications du médecin qui déclenche ensuite la mesure. Viennent ensuite l’oxygénation du sang, la prise de tension et de température, puis la pesée. Le praticien nous guide ensuite pour effectuer une autopalpation abdominale, nécessaire pour détecter certaines pathologies.
Pour les examens plus poussés, la cabine renferme également un dermatographe, qui permet de réaliser des clichés de qualité dermatologique, ainsi qu’un arsenal d’instruments destinés à évaluer la vue et l’audition, mais aussi d’éventuelles affections ORL.
Pour une première expérience de téléconsultation clinique, il faut bien admettre que la situation est intimidante, surtout lorsqu’il est question de manipuler soi-même les instruments. Guidé par le praticien, l’exercice se révèle pourtant plus simple qu’il n’y paraît, et finit même par devenir didactique. La partie la plus complexe de la consultation revient finalement au médecin, qui de son côté, a la tâche de nous guider tout en interprétant à distance les signaux. “Réaliser une consultation médicale à distance, ce n’est pas pareil qu’en présentiel”, détaille Franck Baudino. “En plus de former les médecins à la partie technique et logicielle, on a aussi dû développer une nouvelle branche de la médecine qu’on appelle la télésémiologie, ou étude des signes à distance”.
Sur les 272 pathologies les plus fréquemment diagnostiquées, le créateur d’H4D et son équipe, en collaboration avec le CHU et l’université d’Angers se sont ainsi attelés à la lourde mission d’extraire les symptômes visibles pour les appliquer au domaine de la téléconsultation. Un travail qui commence à porter ses fruits, avec sa publication dans certaines revues scientifiques.
À la fin de la consultation, on repart finalement avec une ordonnance papier, un suivi médical complet accessible depuis l’application (entièrement stocké sur des serveurs sécurisés Orange), mais surtout l’impression d’avoir bénéficié d’une vraie consultation médicale, bien loin de la frustration parfois engendrée par les téléconsultations classiques. De son côté, le praticien adresse systématiquement un compte-rendu détaillé au médecin traitant. Une démarche éthique, estime Franck Baudino, qui souhaite “respecter nos patients, mais aussi nos confrères”. Notons qu’en cas d’urgence, le médecin peut aussi décider de transmettre directement les coordonnées GPS de la cabine aux services de secours.
Source: Journal du geek
Crédit photo : © Amandine Jonniaux / JDG