#actualites - le 10/05/2023

Digitalisation des officines

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Depuis plusieurs années, la révolution digitale touche de plein fouet les officines. En effet, ses avantages sont nombreux. La digitalisation permet notamment d'améliorer la précision et la rapidité des processus, de réduire les erreurs de prescription et de dispensation, de faciliter l'accès aux informations sur les médicaments, de réduire les coûts et d'améliorer la qualité des soins.


La digitalisation, outil de développement de l’officine.

La digitalisation en pharmacie consiste, par le biais de technologies numériques, à améliorer l'efficacité et la qualité des services pharmaceutiques. Elle implique l'utilisation d'outils informatiques et de communication pour gérer les processus de la pharmacie, faciliter l'accès aux informations sur les médicaments et améliorer la communication entre les patients et les professionnels de la santé.

La digitalisation peut prendre plusieurs formes, telles que :

  • La numérisation des ordonnances : les pharmacies reçoivent les ordonnances numériques envoyées par les médecins, permettant ainsi aux patients de s’affranchir de l’ordonnance papier mais également aux pharmaciens de garantir la sécurité des données transmises.
  • L'utilisation de robots de dispensation : ces machines automatisées permettent de délivrer les médicaments prescrits par le médecin de manière rapide et précise. Elles réduisent les risques d'erreurs et améliorent la sécurité des patients.
  • La création de sites internet : de nombreuses pharmacies ont créé des sites internet pour informer les clients sur les produits disponibles, les promotions, les horaires d'ouverture ou encore sur les services proposés.
  • Les applications mobiles : certaines pharmacies ont également créé des applications mobiles pour permettre aux clients de commander des médicaments, de prendre rendez-vous pour des consultations ou encore d'obtenir des conseils de santé.
  • Les objets connectés : les pharmacies commencent à proposer des objets connectés, tels que des balances ou des tensiomètres, pour permettre aux clients de suivre leur santé à domicile.
  • La mise en place de bornes de santé : certaines pharmacies ont installé des bornes de santé qui permettent de prendre sa tension, son pouls, de mesurer sa glycémie, etc. Ces bornes sont souvent en libre-service et permettent aux patients de réaliser ces mesures en toute autonomie.
  • L'utilisation de la téléconsultation : certaines pharmacies proposent des consultations en ligne avec un médecin et sans rendez-vous.


La digitalisation des officines présente de nombreux avantages : elle permet d'améliorer la qualité des services offerts aux patients, de réduire les coûts de gestion de la pharmacie, de renforcer la sécurité des patients ou encore de faciliter la communication entre les différents acteurs de la chaîne de soins.


La Loi Ségur, levier de digitalisation

Le Ségur de la santé a réuni, du 25 mai au 10 juillet 2020, le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et les représentants de tout notre système de santé. 33 mesures ont été retenues, inscrites dans la loi Ségur promulguée le 26 avril 2021. Cette loi vise à améliorer la qualité des soins, à renforcer la coopération entre les professionnels de santé et à améliorer l'accès aux soins pour les patients.

Cette loi a un impact significatif sur les pharmacies, notamment en ce qui concerne les missions qui leur sont confiées et leur rôle dans la prise en charge des patients. Voici quelques-uns des principaux points de la loi Ségur :

  • Renforcement du rôle des pharmaciens d'officine : la loi Ségur reconnaît le rôle clé des pharmaciens d'officine dans la prise en charge des patients et renforce leur collaboration avec les autres professionnels de santé.
  • Extension des compétences des pharmaciens : la loi Ségur autorise les pharmaciens à réaliser certains actes techniques comme la vaccination, la réalisation de tests de dépistage et la prescription de certains médicaments dans le cadre de protocoles de coopération.
  • Création d'un guichet unique pour les patients : la loi Ségur prévoit la création d'un guichet unique pour les patients, qui leur permettra d'accéder à différents services de santé (pharmacies, laboratoires, médecins, etc.) en un seul lieu.
  • Mise en place d'un système d'information partagé : la loi Ségur prévoit le partage d’informations entre les différents professionnels de santé pour favoriser la coordination des soins et améliorer la qualité des prises en charge.
  • Renforcement de la qualité et de la sécurité des médicaments : la loi Ségur, dans un souci de traçabilité et de gestion des stocks, impose la mise en place d’outils de suivi des médicaments, pour garantir leur qualité et leur sécurité.


En synthèse, la loi Ségur a pour objectif de renforcer le rôle des pharmaciens dans le système de santé français et d'améliorer l'accès aux soins pour les patients. Les changements prévus par la loi ont un impact significatif sur la pratique professionnelle des pharmaciens, leur permettant d'étendre leurs compétences et de participer à des protocoles de coopération, mais également de digitaliser leurs pratiques en mettant à leur disposition des outils ergonomiques, interopérables et faciles d’usage.


« Ma Santé 2022 », une stratégie globale de coordination

"Ma Santé 2022 : un engagement collectif" est le plan de transformation de notre système de santé, lancé en 2018. L’objectif est de favoriser une meilleure organisation des professionnels de santé et de proposer un meilleur accès aux soins. Issue de ce plan, la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé adoptée en juillet 2019, redonne sens au parcours du patient en termes d’accès aux soins et de sécurité mais également au métier de pharmacien, reconnu comme essentiel dans ce parcours de soins.

Les axes principaux et structurants portés par cette stratégie nationale sont les suivants :

  • La généralisation du cadre simplifié du pharmacien correspondant, qui pourra, dans le cadre d'un exercice coordonné, renouveler des traitements chroniques et adapter des posologies
  • La dispensation par les pharmaciens d'officine de médicaments à prescription médicale obligatoire sur la base de protocoles et dans le cadre d'un exercice coordonné
  •  La mise à jour de la définition de l'officine pour prendre en compte l'évolution du métier du pharmacien d'officine : entretiens pharmaceutiques, vaccination, conseils…
  • La possibilité pour le pharmacien d'officine, en cas de rupture de stock d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur, de substituer le médicament manquant par un autre médicament conformément aux recommandations de l'ANSM*.
  • La possibilité pour le pharmacien d'officine de prescrire certains vaccins de prescription médicale obligatoire
  • L'inscription des dispositifs médicaux implantables (DMI) dans le Dossier Pharmaceutique
  • -L'accès des biologistes médicaux au Dossier Pharmaceutique des patients


Entretien avec Henri Peltier, Pharmacien, Co-fondateur et Directeur Général de Pharmasoft, qui nous apporte son éclairage et son avis d’expert sur la digitalisation des officines.

Depuis combien de temps la digitalisation opère au sein des officines ?

« Sincèrement, je n’ai pas la date exacte. Le numérique a toujours été plus ou moins là. Par rapport aux autres professions médicales, les pharmaciens ont toujours été en avance, ne serait-ce que par les spécificités de notre métier. Nous devons gérer les stocks, passer des commandes régulièrement, gérer les plannings internes et de rendez-vous, encaisser le tiers-payant etc. Nous avons toujours eu un parc informatique très développé avec toutes sortes de logiciels de gestion nous permettant de faire fonctionner l’officine. Aujourd’hui, la digitalisation est totalement dans l’air du temps ainsi, depuis quelques années, les choses s’accélèrent. Nous sommes obligés de nous adapter aux évolutions de la société et aux attentes des clients. Et, par ailleurs, la loi Ségur, nous impose cette digitalisation. »

Parlez-nous de cette loi et de son impact sur votre activité.

« C’est une vraie révolution pour l’ensemble des professionnels de santé ! Si certains pharmaciens étaient encore frileux face aux nouvelles technologies, ils n’ont plus le choix. Cette loi nous permet d’étendre nos missions et nous reconnait légitimes d’intervenir au-delà des limites du pharmacien anciennement connues. Et pour ce faire une digitalisation de l’ensemble de nos pratiques est inévitable. On retrouve de grands sujets tels que, d’ici à 2 ans, la dématérialisation des ordonnances pour sécuriser la dispensation de médicaments, mais aussi pour rendre son usage plus simple pour les patients. Concrètement, lorsqu’un patient ira chez le médecin, celui-ci postera son ordonnance sur une plateforme partagée à laquelle nous avons accès grâce à la carte vitale du client. Chaque professionnel de santé aura accès, via cette plateforme, à l’ordonnance qui concerne son exercice.

Par conséquent, tous les logiciels des médecins, pharmaciens et autres professionnels de santé devront être adaptés à cette nouvelle pratique. Et là encore se pose l’obligation de développer un dialogue entre tous les logiciels. Aujourd’hui en pharmacie, les process, pour des raisons de sécurité, sont totalement fermés à tout usage externe. Si je souhaite contacter un médecin, je prends mon téléphone. Demain, grâce à la loi Ségur, je pourrai directement envoyer un message au médecin via cette plateforme de partage. »

Cela va simplifier la pratique de vos tâches récurrentes et vous permettre de gagner en temps et en efficacité, mais j’imagine que cela nécessite une importante adaptation pour vous et vos équipes.

« Effectivement, cela nous permettra d’être plus efficaces et de nous dégager du temps pour d’autres missions auprès du client. C’est une réelle évolution qui nécessite la refonte de l’ensemble de nos logiciels et bien évidemment la formation des équipes et une certaine adaptation à ces nouvelles pratiques. D’ailleurs, même les formations des collaborateurs peuvent se suivre aujourd’hui de manière dématérialisée, cela nous permet également d’élargir notre champ des possibilités. »

Nous parlions des évolutions poussées par la loi Ségur, la téléconsultation en pharmacie, en fait-elle partie ?

« La téléconsultation en officine fait entièrement partie de nos nouvelles missions définies par cette loi. Cela permet, lorsqu’il n’y a pas de médecin disponible, d’accompagner les patients dans les gestes simples comme la prise de mesure de la tension par exemple. »

Y a-t-il un volet plus marketing dans cette digitalisation ?

« Bien sûr, la digitalisation passe également par la création de site internet et la présence sur les réseaux sociaux. Au vu de la concurrence, nous devons nous démarquer et l’usage du web peut nous y aider. Toutefois, il faut garder à l’esprit que notre cœur de métier, c’est l’humain et le conseil, il est important de conserver le contact physique plutôt qu’à distance. Tout doit se compléter et non se substituer, il faut que nous gardions le maillage territorial actuellement en place qui illustre bien notre présence et notre lien avec les autres professionnels de santé. »

Un mot pour conclure ?

« Nous devons nous adapter, le monde se digitalise : le dossier médical, la consultation, les impôts … il n’y a pas de raison que nous soyons en marge. La loi Ségur nous a mis le pied à l’étrier dès sa sortie et fin 2024, tous les professionnels de santé auront adopté les principes et outils imposés par cette loi. »



C’est évident, la digitalisation en pharmacie permet une extension et un renforcement des compétences et des missions des pharmaciens, mais cela implique une adaptation des pratiques existantes pour pouvoir intégrer efficacement les technologies numériques. Ainsi, les processus de la pharmacie doivent souvent être repensés pour intégrer les outils informatiques et de communication, nécessitant une révision des procédures et des flux de travail. Cette adaptation est un succès dès lors qu’elle se fait en gardant à l'esprit les besoins des patients et en garantissant la qualité et la sécurité des soins pharmaceutiques. Se pose encore une question importante, la digitalisation des officines imposée, entre autres par la loi Ségur, ne perd-elle pas de vue la sécurisation des données des patients ?




*Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé